De nos jours, la littérature admet que les traitements en orthopédie dento-faciale génèrent de nombreuses douleurs très localisées au niveau de la sphère buccale avec de nombreuses indications sur son caractère. Mais qu’en est-il des répercussions sur l’ensemble du corps ? La littérature ne référence que peu de manifestations physiques, les seules répertoriées ne concernent que l’étage cervical.
Un travail de recherche, réalisé en 2021, présente une étude prospective sur 120 jours afin d’évaluer l’intérêt d’une prise en charge ostéopathique chez les patients présentant des manifestations physiques au cours de leur traitement orthodontique.
Elle a rassemblé 97 patients, âgés de 5 à 51 ans, en cours de traitement orthodontique, ayant répondu à un questionnaire sur les répercussions physiques constatées au cours de leur traitement.
L’étude comporte divers critères d’évaluation tels que :
- la douleur et ses localisations,
- l’âge,
- le type de traitement,
- le suivi ostéopathique, l’état de fatigue,
- l’état du sommeil et du transit,
- la phase du traitement orthodontique.
Les résultats ont permis de répertorier une intensité douloureuse élevée au cours de la phase de traitement, avec un répertoire de manifestations douloureuses sur l’axe crânio-mandibulo-sacré. De nombreux facteurs ont influencé l’apparition des répercussions décrites, notamment la notion de terrain du patient en relation avec une altération de ses régulations neurovégétatives.
L’exploration de la douleur du patient s’est faite à plusieurs niveaux : son intensité,
ses localisations, mais il existe une dimension plus abstraite, l’inconfort en lien avec
l’état de fatigue, la qualité du sommeil ou encore celle du transit intestinal. Le choix
de questionner le patient sur ce niveau, a permis de rendre compte de la qualité de la
sphère neurovégétative de chaque patient et donc de son terrain au cours du traitement.
69 % des patients ont déclaré être plus fatigué et 50 % ont déclaré avoir une
dégradation de la qualité de leur sommeil. La combinaison des différents états
d’altération du système neurovégétatif a permis de révéler une augmentation du
nombre de localisations douloureuses, avec une localisation au niveau des dents et des mâchoires prédominante et inversement. En effet, de fortes douleurs sur la zone des dents et des mâchoires ont induit une altération de la régulation neurovégétative entraînant chez ces patients, une dégradation combinée de la qualité du sommeil, de la fatigue et/ou du transit.
L’âge apparaît comme un facteur influant sur l’état de fatigue et de sommeil. Les
patients dont l’âge est d’au moins 31 ans ont présenté un état de fatigue plus marqué
et une altération de la qualité de leur sommeil. On peut imaginer que le phénomène de vieillissement physiologique du corps diminue la capacité d’adaptation de l’individu aux événements extérieurs, son rythme et son environnement quotidien influencent son terrain et donc la capacité à gérer les effets de son traitement.
Le complexe crânio-mandibulo-sacré est organisé autour de l’axe dure-mérien selon
le modèle de l’organisation générale des fasciaes. Toute contrainte locale aura une
action à distance selon ces deux systèmes de transmission. Ainsi, chaque localisation
douloureuse apparaît comme le relais d’une autre et traduit une possible dysfonction
somatique.
Un terrain fragilisé par excès de fatigue, altération de la qualité du sommeil ou troubles du transit va perturber l’homéostasie du corps et ses capacités d’autorégulation. Les ressources du patient s’épuisent comme sa capacité d’adaptation au traitement orthodontique pendant le suivi par exemple. C’est alors que l’intensité douloureuse générale peut augmenter tel un signal d’alarme. À l’inverse, une intensité douloureuse générale élevée, qui dure dans le temps, due à une réaction inflammatoire excessive lors de la pose du dispositif, pourra fragiliser le terrain du patient et ainsi perturbé son homéostasie.
Une intervention ostéopathique adaptée tiendra compte de la symptomatologie du
patient. La morphologie cranio-faciale, modifiée par le port d’un appareil
orthodontique, affectera la posture vertébrale. La correction des différentes
dysfonctions mises en évidence par les liens mécaniques et neurologiques aura une
action sur le système stomatognathique par le biais des systèmes crânio-sacré et
postural selon le concept ostéopathique.
Une étroite collaboration entre orthodontistes et ostéopathes semble être indiquée, du fait des relations anatomiques entre systèmes stomatognatique, crânio-facial et crânio-sacré. L’ostéopathie apparaît comme alternative aux solutions proposées aujourd’hui, dans les cabinets d’orthodontie. En effet, l’ostéopathie pourrait répondre à l’adaptation du corps face aux contraintes des dispositifs orthodontiques, pour la prise en charge de la douleur et de ses différentes manifestations.